Influence du dégel du pergélisol sur la matière organique et les réseaux trophiques dans les eaux douces circumpolaires nordiques

Les sols gelés en permanence du paysage circumpolaire constituent l’un des plus grands gisements de carbone organique sur Terre. Le réchauffement climatique et le dégel du pergélisol qu’il entraîne ont accru le risque qu'une grande partie de ce carbone soit libérée dans l'atmosphère sous f...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Wauthy, Maxime
Format: Thesis
Language:French
Published: 2019
Subjects:
Ice
Online Access:https://constellation.uqac.ca/5356/1/Wauthy_uqac_0862D_10604.pdf
Description
Summary:Les sols gelés en permanence du paysage circumpolaire constituent l’un des plus grands gisements de carbone organique sur Terre. Le réchauffement climatique et le dégel du pergélisol qu’il entraîne ont accru le risque qu'une grande partie de ce carbone soit libérée dans l'atmosphère sous forme de gaz à effet de serre, notamment sous forme de méthane depuis les nombreux écosystèmes aquatiques présents dans les régions subarctiques et arctiques. Ce scénario a attiré l'attention de la communauté scientifique sur le cycle du carbone dans les écosystèmes circumpolaires. Cependant, les changements induits par ces apports croissants de matière terrestre sur le réservoir de carbone organique et sur le réseau alimentaire des lacs et des étangs nordiques ont été peu étudiés. Ce projet de thèse vise à explorer l'influence du dégel du pergélisol sur les lacs de haute latitude. Premièrement, nous avons évalué les effets du dégel du pergélisol sur la matière organique dissoute (MOD) par des analyses optiques de 253 étangs couvrant 200 degrés de longitude à travers l’Arctique. Pour un sous-échantillon de dix plans d’eau subarctiques, nous avons également quantifié la contribution terrestre à la MOD en utilisant l’approche des isotopes stables. Dans un second temps, en mesurant la concentration en nutriments et en chlorophylle a, et en utilisant des approches basées sur les acides gras et les isotopes stables, nous avons étudié l’influence du dégel du pergélisol sur les producteurs et les consommateurs primaires de la chaîne alimentaire planctonique au sein de huit étangs subarctiques impactés différemment par les apports terrestres venant du bassin versant. Enfin, nous avons exploré la communauté et la biomasse de zooplancton dans huit étangs de dégel subarctiques, ainsi que la manière avec laquelle la stratification thermique et les variables environnementales associées déterminent la distribution verticale du zooplancton dans ces mares arctiques fortement affectées par le dégel du pergélisol. Les mesures optiques montrent une plus forte proportion de carbone terrestre et une moindre contribution des algues à la MOD dans les eaux touchées par le dégel du pergélisol. La composition de la MOD est largement dominée (moyenne de 93%) par de la matière d’origine terrestre dans les sites influencés par le dégel du pergélisol, tandis que l'influence terrestre est beaucoup moins importante dans les masses d'eau situées dans des bassins hydrographiques non affectés par des processus thermokarstiques (39%). De plus, nos résultats mettent en évidence l’influence positive du dégel du pergélisol sur la teneur en nutriments et l’abondance en algues planctoniques. Cependant, l'impact sur les consommateurs primaires reste très limité, avec une faible contribution de la matière organique terrestre à la biomasse du zooplancton dans les étangs de dégel subarctiques (35% selon l’approche basée sur les isotopes stables, 18% selon celle basée sur les acides gras). Enfin, cette thèse fait état de la prédominance des rotifères dans les mares de thermokarst subarctiques (35 à 93% de la biomasse du zooplancton) et met en évidence la stratification prononcée du zooplancton, laquelle est principalement déterminée par un compris entre l’accès à suffisamment d’oxygène (O2) et à une diète algale de qualité, ainsi qu’à la pression de prédation exercée par des larves de Chaoborus. Pris collectivement, ces résultats soulignent la forte influence du dégel du pergélisol sur le réservoir de carbone organique des eaux douces septentrionales, avec une tendance à la domination croissante du carbone organique d'origine terrestre pouvant altérer les voies métaboliques et les processus biogéochimiques dans le Nord. Ces impacts peuvent être considérés comme un exemple extrême de brunissement qui va probablement altérer les lacs de haute latitude vers des conditions davantage hétérotrophiques et alimenter leur boucle microbienne. En outre, alors que le dégel du pergélisol stimule la croissance du phytoplancton aux dépens des algues benthiques, ces mêmes producteurs primaires planctoniques semblent être la principale ressource qui supporte le réseau alimentaire dans les étangs de dégel, indépendamment de l’écrasante domination de la matière organique issue du bassin versant. Enfin, le réchauffement et le brunissement à venir des plans d’eau circumpolaires devraient renforcer la stabilité thermique des lacs, augmentant ainsi le risque d'anoxie dans la colonne d'eau, et créant par conséquent une incertitude quant à la réponse future de la communauté zooplanctonique face au réchauffement climatique et au dégel du pergélisol. Frozen tundra soils are one of the largest pools of organic carbon in the Earth system. Climate warming and the associated permafrost thaw have increased the risk that a large fraction of this carbon will be released to the atmosphere as greenhouse gases, particularly in the form of methane produced by the numerous aquatic ecosystems found throughout the subarctic and arctic regions. This scenario has drawn the attention of the scientific community to the carbon cycle in circumpolar ecosystems. Some of this carbon released from thawing permafrost is transported into freshwater systems. However, the changes to the carbon pool and the northern freshwater food webs by the increased terrigenous input have not been studied extensively. This PhD project aims to investigate how permafrost thaw influences northern waterbodies across the Arctic. First, we evaluated the effects of thawing ice-rich permafrost on the dissolved organic matter (DOM) in freshwaters. We used optical analyses of 253 ponds covering 200 degrees of longitude across the circumpolar North. For a subset of 10 waterbodies in subarctic Quebec, we used stable isotopes (SI) to quantify the contribution of terrestrial sources to the DOM pool. Second, using nutrients, chlorophyll a, fatty acids (FA), and SI, we investigated the influence of thawing permafrost on primary producers and primary consumers of the planktonic food web of 8 subarctic ponds affected to different degrees by permafrost carbon. Finally, we explored the zooplankton community and biomass in 8 subarctic thaw ponds and determined the extent to which thermal stratification and the associated environmental variables drive the vertical distribution of zooplankton in these arctic freshwaters that are affected by degrading ice-rich permafrost. The optical measurements reveal a higher proportion of terrestrial carbon and a lower algal contribution to DOM in waters affected by thawing permafrost. DOM composition is dominated largely (mean of 93%) by terrestrial substances at sites influenced by thawing permafrost, whereas the terrestrial influence is much less (39%) in waterbodies located in catchments unaffected by thermokarst processes. Also, our results highlight the stimulating influence of eroding and degrading ice-rich permafrost on nutrients and planktonic algae. However, the effect on consumers remains relatively constrained, with a limited contribution of terrestrial organic matter to the biomass of the filter-feeding zooplankton in subarctic thaw ponds (35% according to SI- and 18% according to FA-based mixing models). Finally, this thesis reports the dominance of rotifers in subarctic thaw ponds (35–93% of the zooplankton biomass), and highlights the pronounced stratification of zooplankton that is driven mostly by a combination of oxygen (O2), Chaoborus predation, phytoplankton, and essential FA supply. Collectively, these findings emphasize the strong influence of thawing permafrost on the carbon pool of northern freshwaters and a shift toward increased dominance by land-derived organic carbon that may alter metabolic pathways and biogeochemical processes in the North. These impacts may be considered as an extreme example of browning that will likely shift high-latitude freshwaters more toward net heterotrophic conditions and fuel the microbial loop. Furthermore, while permafrost thaw stimulates phytoplankton growing in the water column at the expense of benthic algae, these same planktonic primary producers appear to be the key resource that fuels the food web in thaw ponds, regardless of the overwhelming dominance of terrigenous organic matter. Finally, future warming and browning of circumpolar freshwaters are expected to enhance the thermal stability of thaw ponds. This will increase the risk of anoxia throughout the water column and, as such, add uncertainty as to the future response of arctic and subarctic zooplankton communities to global warming and degrading permafrost.