L'entrepreneuriat en contexte enclavé : le cas des Premières Nations du Québec

L'objectif central de cette thèse est de mieux comprendre quelles sont les caractéristiques de l'entrepreneuriat social en communauté autochtone au Québec. Nous avons cherché à savoir comment les entrepreneurs sociaux autochtones, dont les communautés sont parfois décrites comme marginalis...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Fortin-Lefebvre, Emilie
Format: Text
Language:French
Published: 2018
Subjects:
Online Access:http://archipel.uqam.ca/11471/1/D3408.pdf
Description
Summary:L'objectif central de cette thèse est de mieux comprendre quelles sont les caractéristiques de l'entrepreneuriat social en communauté autochtone au Québec. Nous avons cherché à savoir comment les entrepreneurs sociaux autochtones, dont les communautés sont parfois décrites comme marginalisées par rapport à la société environnante, arrivent à s'approprier leur environnement pour créer des solutions qui répondent aux spécificités de leurs besoins. La thèse est agencée autour de la question suivante : « Qu'est-ce qu'entreprendre en contexte enclavé? ». Nous avons découvert que leur refus d'entériner les « façons de faire » qu'elles prêtent aux allochtones conduit les communautés autochtones à forger une volonté commune, que nous appelons « marginalité créatrice », et qui donne lieu au développement de formes entrepreneuriales hybrides. Ces dernières sont marquées par la présence de logiques multiples, et parfois paradoxales qui, au-delà de leurs objectifs strictement économiques, reposent sur la recherche permanente d'une triple légitimité – historique, territoriale et identitaire. La thèse est structurée en deux parties. La première propose une revue de littérature sur les particularités de l'entrepreneuriat autochtone, à partir de laquelle nous dégageons le besoin d'une ouverture théorique. Nous montrons ensuite pourquoi nous avons alors choisi d'aborder le sujet à partir de la perspective des acteurs eux-mêmes, en nous fondant sur un cadre théorique flexible, qui combine la théorie des conventions (Boltanski et Thévenot, 1991) et la théorie des mondes sociaux (Strauss, 1993). Nous expliquons enfin comment ce choix nous a amenée à privilégier une démarche de théorisation ancrée (Strauss et Corbin, 1998), et à utiliser comme méthodologie l'analyse situationnelle (Clarke, 2005 2015), qui en est directement dérivée. La deuxième partie analyse tour à tour les résultats autour de trois sous-questions, qui délimitent la problématique de l'étude. Sont successivement abordés les éléments de contexte pris en compte dans chaque situation entrepreneuriale, les représentations que se donnent les acteurs de leur expérience avec l'entrepreneuriat social, et le suivi de l'influence des différentes positions défendues sur la réalité de cet entrepreneuriat en communauté autochtone. Nos résultats offrent une alternative à la figure classique de l'entrepreneur-héros, de plus en plus décriée dans la littérature, en offrant l'exemple empirique d'un phénomène entrepreneurial multipartite et hybride, dans lequel des logiques divergentes arrivent à cohabiter. Cette thèse contribue également à la compréhension de l'influence du contexte spatio-temporel sur l'activité entrepreneuriale, en proposant notamment un cadre original pour l'analyse des particularités d'un milieu enclavé. Par ailleurs, nous avons observé la permanence de deux visions potentiellement conflictuelles sur le sens que doit revêtir l'entreprenariat en milieu autochtone, partagées entre l'objectif d'émancipation individuelle et celui d'autodétermination de la Nation. Nous suggérons que cette tension engendre des stratégies entrepreneuriales elles-mêmes en tension entre modernité et tradition. En bref, les résultats de notre recherche indiquent que les acteurs de l'entrepreneuriat en communauté autochtone expriment un sentiment de marginalité assumé, qui provoque à la fois leur volonté d'intégrer le système économique qui les entoure, et leur souhait de s'en protéger.