Texte d'introduction au festival de cinéma finlandais Cinépage

Vue de Marseille, quelle est l’image qui se forme de la Finlande ? Celle d’un pays lointain, malgré le rapprochement des frontières, ou finalement bien plus proche de la convivialité méridionale que l’on pourrait le penser? Car, si les Finlandais se taisent, comme le disait Brecht, dans deux langues...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: T. Tuhkunen
Format: Other/Unknown Material
Language:French
Published: Cinépage 2009
Subjects:
Online Access:http://okina.univ-angers.fr/publications/ua4692
Description
Summary:Vue de Marseille, quelle est l’image qui se forme de la Finlande ? Celle d’un pays lointain, malgré le rapprochement des frontières, ou finalement bien plus proche de la convivialité méridionale que l’on pourrait le penser? Car, si les Finlandais se taisent, comme le disait Brecht, dans deux langues (le finnois et le suédois), ils ont toujours aimé échanger. Même quand cela se passe par les longs silences qui caractérisent les films d’Aki Kaurismäki. Chaque pays intéresse par ses paradoxes, et la Finlande revendique les siens. Passionnés d’inventions techniques, les Finlandais adoptent le cinéma au début du XXe siècle, en même temps que le tango argentin. Moins pour reproduire les performances et les pas de danse existants que pour réinventer leur propre esthétique, leurs propres rythmes et accents cinématographiques. En Finlande, comme dans bien d’autres pays, le cinéma s’est nourri de la littérature. Au point qu’il serait difficile d’imaginer le cinéma finlandais sans transpositions filmiques des récits littéraires, lus avant d’être projetés sur le grand écran. L’entrelacs littérature et cinéma finlandais ne s’arrête d’ailleurs pas là, en incorporant la peinture et la musique, deux autres arts qui marquent la culture de ce pays dont les positionnements géopolitiques entre l’Est et l’Ouest prouvent que les frilosités ambiantes n’interdisent pas les créations géo-poétiques. Tacite, le premier homme du Sud à avoir laissé une trace écrite de sa rencontre avec les proto-finlandais fut un historien qui retourna à Rome avec un témoignage plutôt effrayant d’un peuple septentrional hirsute. Il y a longtemps que cette image d’un pays primitif a cédé la place au portrait d’un peuple éclairé et consensuel qui réussit, grâce à sa persévérance et à son système éducatif moderne. En même temps, maints écrivains et cinéastes finlandais nous invitent à lire au-delà de tout portrait officiel. À commencer par Aleksis Kivi, premier romancier finlandais dont les Sept Frères (1870) hurlèrent leur refus de participer à la construction d’une société selon les règles préétablies. Espace sensible à tous ces enjeux, le cinéma finlandais dresse un miroir capable de nous (faire) réfléchir, dans maints sens du terme. Au cours des rencontres avec la Finlande - avec ses « fi(n)nitudes » et ses (in)finitudes - organisées par Cinépage - les Marseillais seront invités à cogiter sur les traits marquants d’une vision nordique qui, bien que souvent proche des Scandinaves, ne saurait se confondre avec celle des héritiers des Vikings. Or, malgré la distance séparant les spectateurs de la ville phocéenne des recoins les plus reculés de la Laponie finlandaise, on risque de trouver un espace de réflexion moins étranger que prévu. À commencer par l’écho chromatique entre la croix d’azur du blason des armes de Marseille et le bleu et blanc du drapeau finlandais. Qui a dit que le cinéma fut le premier art à créer le silence ? Les Finlandais, connus pour leur nature contemplative semblent l’avoir compris, dès le début. Taïna Tuhkunen