Vous avez dit « Français de souche » oui, mais de quelle(s) souche(s) ?

International audience Utilisée par les milieux antisémites liés à l'extrême droite dans la première moitié du XX e siècle et par les administrateurs coloniaux pour différencier la « population européenne » des « Musulmans », la notion de « Français de souche » semblait définitivement discrédit...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Geisser, Vincent
Other Authors: Institut de Recherches et d'Etudes sur les Mondes Arabes et Musulmans (IREMAM), Sciences Po Aix - Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence (IEP Aix-en-Provence)-Aix Marseille Université (AMU)-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Format: Article in Journal/Newspaper
Language:French
Published: HAL CCSD 2019
Subjects:
Online Access:https://shs.hal.science/halshs-02317490
https://shs.hal.science/halshs-02317490/document
https://shs.hal.science/halshs-02317490/file/article%20Vincent%20Geisser%20Sens-Dessous%20%28nouvelle%20version%29.pdf
Description
Summary:International audience Utilisée par les milieux antisémites liés à l'extrême droite dans la première moitié du XX e siècle et par les administrateurs coloniaux pour différencier la « population européenne » des « Musulmans », la notion de « Français de souche » semblait définitivement discréditée par son passé peu glorieux. Pourtant, elle revient régulièrement dans le débat public et les discours de sens commun, tel un fantôme logomachique qui hante notre rapport profondément ambivalent à la construction nationale : celui-ci est emprunt à la fois d'un élan universaliste censé transcender les appartenances particularistes (la religion, la région, la classe, etc.) et d'une tendance au repli qui tend à définir l'identité française sur des bases culturalistes et racialistes (le génie de la « race française »). La persistance de la notion de « Français de souche » dans l'espace public est symptomatique de cette relation problématique à notre francité qui proclame simultanément son universalité « sans attache » et sa supériorité identitaire. La nation française : un universalisme « à souche » ? Dans la continuité de la conception de la nation défendue par Ernest Renan, l'identité française a souvent été pensée comme l'expression d'un « universalisme sans attache », capable d'arracher l'individu à ses ancrages spécifiques et de l'élever ainsi au rang de citoyen. « Une nation, écrivait Ernest Renan, est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. […] Je me résume, Messieurs. L'homme n'est esclave ni de sa race ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagne. Une grande agrégation d'hommes, saine d'esprit et chaude de coeur, crée une conscience morale qui s'appelle une nation » 1. Toutefois, comme nous le rappelle certains auteurs étrangers, la construction nationale française n'est pas exempte d'une dimension particulariste, voire ethnique (même s'il s'agit d'une ethnicité ...