L'humanité élargie par le bas. La question des morts-nés.

Le deuil, processus social généralement ritualisé, a la double fonction de faire du défunt un bon mort en s'assurant qu'il rejoint un espace qui lui est réservé, et de réaffirmer la présence des vivants dans un espace propre et distinct du premier. L'expression « faire son deuil » ill...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Pons, Christophe
Other Authors: Institut d'ethnologie méditerranéenne, européenne et comparative (IDEMEC), Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)-Aix Marseille Université (AMU), Pascal Dreyer
Format: Book
Language:French
Published: HAL CCSD 2009
Subjects:
Online Access:https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01142953/file/Halshs%20Pons%202009%20L%27humanit%C3%A9%20%C3%A9largie%20par%20le%20bas.pdf
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01142953
Description
Summary:Le deuil, processus social généralement ritualisé, a la double fonction de faire du défunt un bon mort en s'assurant qu'il rejoint un espace qui lui est réservé, et de réaffirmer la présence des vivants dans un espace propre et distinct du premier. L'expression « faire son deuil » illustre cette double exigence : accepter que le mort soit bien mort, d'une part, continuer à vivre parmi les vivants, d'autre part. Cette définition liminaire, que l'anthropologie partage avec la psychologie, rend compte d'un phénomène universel qui caractérise toutes les sociétés humaines depuis le néolithique et les distingue de l'animalité. Or, on suppose souvent que les sociétés modernes seraient devenues déficientes vis-à-vis de ce processus : nous ne serions plus capables de faire le deuil. En s'appuyant sur la thèse de l'historien Philippe Ariès sur le « déni social » de la mort 1 , l'anthropologue Louis-Vincent Thomas a notamment poussé loin l'idée d'un handicap symbolique des sociétés modernes. Devenues inaptes à faire face aux enjeux du deuil, elles devraient réapprendre à domestiquer la bonne mort que d'autres connaissent 2. Pourtant, la thèse de la déficience symbolique revient à considérer que les sociétés modernes seraient amputées d'un trait distinctif de l'humanité 3. Cette analyse découle d'une confusion entre désenchantement et perte de l'autorité religieuse officielle (l'Église) qui, naguère, avait l'exclusivité de tous les 1. Philippe Ariès, Essais sur l'histoire de la mort en Occident, Seuil, Paris, 1975. 2. Louis-Vincent Thomas, Rites de mort : pour la paix des vivants, Paris, Fayard, 1985. 3. Christophe Pons, « La mort est-elle une catégorie universelle ? Réflexions à partir de quelques données islandaises », in Simone Pennec (dir.), Des vivants et des morts des constructions de la « bonne mort », Université de Bretagne Occidentale, Brest, pp.269-277. traitements symboliques, depuis le berceau jusqu'à la tombe. Or, s'il est vrai qu'en s'écartant de cette autorité les sociétés modernes ont perdu des grammaires ...