Le Pâturage, C’est toute une science !

En Laponie suédoise, les Samis éleveurs de rennes doivent aujourd’hui partager leur territoire avec l’industrie forestière. Le conflit qui en résulte a, jusqu’à présent, porté l’attention sur les lichens, qui constituent l’alimentation principale des troupeaux pendant les 5 mois de l’hiver boréal. N...

Full description

Bibliographic Details
Published in:Techniques & culture
Main Authors: Roturier, Samuel, Roué, Marie
Format: Article in Journal/Newspaper
Language:French
Published: Éditions de l’EHESS 2016
Subjects:
Online Access:http://tc.revues.org/7413
Description
Summary:En Laponie suédoise, les Samis éleveurs de rennes doivent aujourd’hui partager leur territoire avec l’industrie forestière. Le conflit qui en résulte a, jusqu’à présent, porté l’attention sur les lichens, qui constituent l’alimentation principale des troupeaux pendant les 5 mois de l’hiver boréal. Notre analyse montre que ni la présence ni l’abondance du lichen ne suffisent pourtant à définir le pâturage tel que les éleveurs se le représentent. La catégorie sémantique samie, guohtom, définit le pâturage, non pas de manière essentialiste, mais par rapport à son accessibilité à un moment donné. En prenant en compte l’accès au lichen à travers le manteau neigeux, la science des éleveurs consiste à analyser les nombreuses interactions entre la végétation, la neige, le climat et le milieu qui produisent, ou détruisent du jour ou lendemain, le pâturage. Ces savoirs écologiques permettent aux éleveurs samis de contrôler et guider les rennes à travers la taïga. Tout au long de l’hiver, ils évaluent les changements d’état du pâturage, anticipent les déplacements de leurs rennes et élaborent des stratégies d’utilisation du territoire. La science du pâturage émane aussi de la capacité des éleveurs à penser comme un renne. Plus qu’une expertise écologique et technique, le pâturage devient alors un état d’équilibre, dans l’espace et dans le temps, où la volonté des éleveurs s’harmonise avec les besoins des animaux. In Swedish Lapland, Sami reindeer breeders must now share their territory with the forest industry. Until recently, the resulting conflict was focused on lichens, which constitute the main food source for the reindeer herds during the five months of northern winter. Our analysis shows that neither the presence nor the abundance of lichen is sufficient to define pasture as represented by the herders. The Sami semantic category, guohtom, describes pasture not in its essence, but in relation to its accessibility at the time that the speaker expresses himself. By taking the access to lichen through the snow cover ...