La mobilisation des travailleurs surendettés en Espagne : la double peine économique

Depuis la crise de 2008, les dettes sont devenues un puissant facteur de mobilisation dans de nombreux pays, de la Grèce aux États-Unis, en passant par l’Afrique du Sud et l’Islande. En Espagne, l’endettement des classes populaires s’est traduit par des vagues d’expulsion, puis de contestation. Au c...

Full description

Bibliographic Details
Published in:La Nouvelle Revue du Travail
Main Author: Ravelli, Quentin
Format: Article in Journal/Newspaper
Language:French
Published: Nouvelle revue du travail 2020
Subjects:
Online Access:http://journals.openedition.org/nrt/7916
Description
Summary:Depuis la crise de 2008, les dettes sont devenues un puissant facteur de mobilisation dans de nombreux pays, de la Grèce aux États-Unis, en passant par l’Afrique du Sud et l’Islande. En Espagne, l’endettement des classes populaires s’est traduit par des vagues d’expulsion, puis de contestation. Au cœur de ce processus, on retrouve une double peine économique : celle des travailleurs de la construction surendettés, que la crise affecte à la fois comme producteurs au chômage et comme consommateurs de logement en défaut de paiement. Leurs dettes dépassent les faibles revenus dont ils disposent et l’effondrement de la valeur de leurs logements les place dans une situation d’équité négative, dont ils ne peuvent sortir qu’en se mobilisant, avec les travailleuses du secteur du nettoyage – moteur essentiel de la lutte, elles viennent, comme eux, de pays anciennement colonisés par l’Espagne. Cette mobilisation n’a cependant rien de spontané mais suppose une capacité d’organisation par rassemblement des colères, qui repose sur une dramaturgie émotionnelle de la dette. Since the 2008 crisis, debt has become a powerful engine for mobilization in many countries, from Greece to the United States, from South Africa to Iceland. In Spain, working-class debt has led to foreclosures, evictions, and mass contestation. At the core of this process lies a double economic burden: indebted construction workers are hurt by the crisis both as unemployed producers and as consumers who can no longer pay off their loans. Their debts are higher than their low incomes and the collapse of home prices generates a situation of negative equity, from which they can escape only through collective struggle. Women, often cleaners and often immigrants from Spanish former colonies, are essential protagonists of this struggle. Far from a spontaneous uprising, this mobilization relies on the ability to organize by collectivizing individual anger, via an emotional dramaturgy of debt. Desde la crisis de 2008, las deudas se han vuelto un poderoso factor ...