Patrimoine mobilier : entre colonialisme et orientalisme

Au XVIIe siècle la France établit des colonies de plantation dans les îles de la Caraïbe et de l’Océan indien. En l’espace de cinquante ans celles-ci devinrent d’importants sites de commerce qui fournissaient des matières premières et des denrées agricoles de grande valeur. Mais malgré leur importan...

Full description

Bibliographic Details
Published in:In Situ
Main Author: Dobie, Madeleine
Format: Article in Journal/Newspaper
Language:French
Published: Ministère de la culture 2013
Subjects:
Online Access:http://insitu.revues.org/10270
Description
Summary:Au XVIIe siècle la France établit des colonies de plantation dans les îles de la Caraïbe et de l’Océan indien. En l’espace de cinquante ans celles-ci devinrent d’importants sites de commerce qui fournissaient des matières premières et des denrées agricoles de grande valeur. Mais malgré leur importance économique et stratégique les colonies furent peu présentes dans les discours et débats publics. Une représentation soutenue des colonies aurait mis en lumière le système de l’esclavage et rendu impérative une prise de position pour ou contre une institution considérée comme économiquement avantageuse mais moralement condamnable. Ce ne fut que dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, lorsque le discours abolitionniste appuyé par des arguments économiques prit son élan, que les colonies et l’esclavage devinrent des sujets de représentation dans des domaines tels que la littérature, la philosophie et la culture matérielle. Le silence relatif qui enveloppait les colonies prenait plusieurs formes. À côté de l’absence de discours au sens strict il y eut des processus de déplacement vers des sujets apparentés à la colonisation mais jouissant d’une plus grande visibilité, notamment l’exotisme oriental et le thème du bon sauvage. De tels transferts s’opéraient dans la culture visuelle et matérielle ainsi que dans la littérature et les débats politiques, entre autres, dans le domaine du mobilier. Aux XVIIe et XVIIIe siècles le mobilier français a subi une transformation radicale grâce à l’importation de bois précieux et d’autres matières tropicales des Antilles et de l’Océan indien. Mais cette transformation ne donna pas naissance à un exotisme tropical ou colonial. On peut, en revanche, identifier des processus de substitution par lesquels des matières premières coloniales – bois d’acajou et d’ébène, écaille et palissandre – furent transformées en des marchandises satisfaisant le goût ‘orientaliste’ de l’époque : sofas et ottomanes, commodes ornées de laques asiatiques, chaises aux motifs égyptiens. Au XVIIIe siècle ...