La mort et le salut des défunts à Tête-à-la-Baleine

Les conceptions entourant le phénomène de la mort à Tête-à-la-Baleine constituent un système complexe qui englobe plusieurs aspects de la culture. L'analyse de l'un de ces aspects pris isolément révélerait peu de choses du fonctionnement global d'un système extrêmement bien articulé q...

Full description

Bibliographic Details
Published in:Recherches sociographiques
Main Author: Mailhot, José
Format: Text
Language:French
Published: Département de sociologie, Faculté des sciences sociales, Université Laval 1970
Subjects:
Online Access:http://id.erudit.org/iderudit/055483ar
https://doi.org/10.7202/055483ar
Description
Summary:Les conceptions entourant le phénomène de la mort à Tête-à-la-Baleine constituent un système complexe qui englobe plusieurs aspects de la culture. L'analyse de l'un de ces aspects pris isolément révélerait peu de choses du fonctionnement global d'un système extrêmement bien articulé qui joue un rôle primordial dans la culture locale. Son étude requiert l'examen des tabous, croyances et comportements liés au rituel funéraire, des comportements quotidiens (verbaux et non verbaux) envers les défunts et du contenu de la tradition orale (dictons et légendes) qui concerne les morts. C'est dans cette perspective que nous décrirons d'abord la réaction de la communauté face à la réalité concrète du décès d'un de ses membres, puis face à tous ses défunts une fois que le cadavre a été enterré. À partir de là, nous tenterons de dégager le système d'attitudes et de comportements auquel nous avons fait allusion.S'il convient de sacrifier ici la diachronie à la synchronie, certains détails historiques concernant les églises et les cimetières de Tête-à-la-Baleine n'en paraissent pas moins essentiels à la compréhension des faits qui vont être décrits. En vertu du double habitat qui caractérise certaines communautés de pêcheurs de la Côte-Nord, on trouve à Tête-à-la-Baleine deux cimetières et deux églises. Le « cimetière du large », qui est situé sur l'île la plus méridionale de l'archipel, date de la même époque que la première église, vraisemblablement du deuxième quart du siècle dernier. Celle-ci fut démolie quand on construisit une église plus grande sur une autre île en 1895. Même si le cimetière se trouvait désormais à deux milles (par bateau ou en traîneau à chiens) de l'église, on continua à l'utiliser. L'île fut abandonnée par ses habitants en 1929. Sept ans plus tard, on y enterra le dernier mort en dehors des limites normales du cimetière.Il fallait trouver un nouveau site, plus abordable que l'île-su'-Kanty, que l'on chercha dans toute la région. Le nouveau cimetière fut établi sur la terre ferme non loin d'un petit groupe de maisons habitées uniquement en hiver. De l'avis de la population locale, l'emplacement du « cimetière de terre » ne convenait pas plus que celui du « cimetière du large »; bien que plus à l'abri des vents et des tempêtes, il était très difficile d'accès aux périodes de gel et de dégel ainsi qu'à marée basse. Un missionnaire s'étant établi en permanence à Tête-à-la-Baleine en 1949,2 on construisit une église sur le continent à l'endroit choisi par le cierge pour concentrer la population jusque-là dispersée en hiver comme en été. À l'heure actuelle, « l'église du large » dessert la population pendant la saison de la pêche et celle du continent pendant le reste de l'année. Le nouveau cimetière est situé à quatre milles de la principale agglomération du continent où se trouve une église et à neuf milles de l'île où se dresse l'autre église. Ces divers points ne sont accessibles qu'en barque de pêche et en motoneige. La situation périphérique des cimetières par rapport à l'espace local habité complique à l'extrême certaines phases du rituel funéraire.