Dossier : pays nordiques

Pour qui a plus de trente ans, a connu la France avant l’Europe, l’Europe avant l’éclatement du bloc soviétique, le monde avant Internet, les pays dits « nordiques » figuraient un vague horizon indistinct peuplé de Vikings, de Lapons et d’Eskimos, d’elfes, de trolls et d’une petite sirène. Hamlet, B...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Levreaud, Philippe
Format: Text
Language:French
Subjects:
Kon
Online Access:http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-59962#page=10
Description
Summary:Pour qui a plus de trente ans, a connu la France avant l’Europe, l’Europe avant l’éclatement du bloc soviétique, le monde avant Internet, les pays dits « nordiques » figuraient un vague horizon indistinct peuplé de Vikings, de Lapons et d’Eskimos, d’elfes, de trolls et d’une petite sirène. Hamlet, Bergman, le Cri et le Kon-Tiki formaient un honorable bagage culturel. D’intrépides voyageurs rapportaient des histoires de moustiques, de soleil de minuit et de filles accueillantes. L’histoire, l’économie, l’industrie ont peu à peu ramené ces pays dans le giron de notre réalité : des noms nouveaux se sont inscrits dans notre espace mental. Entrant tout à coup dans les statistiques – celles où nous figurions – les pays nordiques sont devenus des modèles en tout. Les bibliothécaires en savent quelque chose, qui ont longtemps développé quelques complexes en comparant leur taux de fréquentation, de prêts ou d’inscription. Le troisième temps de la valse s’est chargé d’instruire notre perception de l’existence d’un autre paysage plus divers, moins idéal, déserté par les elfes, noirci de pétrole, attaqué par le chômage, pris dans la tourmente de l’économie mondialisée. Les films, les livres venus du Nord, mieux diffusés, éventuellement devenus des phénomènes de mode, ont attesté ce retour du réel. Le présent dossier fait état de ces flux et reflux : à l’image des vagues successives décrites ici par Philippe Bouquet et Denis Ballu, le regard que portent les bibliothécaires nordiques sur leurs propres réalités, absolument dépris – puisque ce sont les leurs – de toute référence à un modèle idéal, fait écho aux interrogations qui sont l’ordinaire de leurs collègues d’ici. Fin de l’exotisme. Il revenait donc à des bibliothécaires français expatriés de restituer à rebours un peu de cette distance qui fait l’enchantement. Ou bien à ceux qui, là-bas, font de cette distance la matière même de leur travail : ces hommes qui font vivre le bibliobus de la culture sâme que nous tenons à remercier de leur beau reportage, ou encore ces bibliothécaires du Groenland vers qui nous reviendrons un jour, et qui nous ont confié ces images comme vues par une antique lorgnette et qui témoigne de ce que la vie des bibliothèques, la vie dans les bibliothèquess est portée aussi loin qu'il y a des hommes.