Mer

Il est désormais commun de le dire : les faits humains sont de plus en plus étroitement liés à l’espace maritime. Les exemples seraient légion, citons parmi les plus significatifs et contemporains: les revendications coutumières dont la mer fait l’objet parmi les communautés autochtones, en Australi...

Full description

Bibliographic Details
Published in:Anthropen
Main Author: Helène Artaud
Format: Text
Language:French
Published: Editions des archives contemporaines (EAC) 2018
Subjects:
Online Access:https://dx.doi.org/10.17184/eac.anthropen.075
https://www.anthropen.org/voir/Mer
Description
Summary:Il est désormais commun de le dire : les faits humains sont de plus en plus étroitement liés à l’espace maritime. Les exemples seraient légion, citons parmi les plus significatifs et contemporains: les revendications coutumières dont la mer fait l’objet parmi les communautés autochtones, en Australie notamment; les enjeux économiques et les confrontations nouvelles autour de l’appropriation des ressources marines, en Arctique les réseaux d’Aires Marines Protégées de plus en plus étendus, qui forment le projet d’une mer dont la responsabilité et l’administration pourraient être globales la submersion inexorable des îles Salomon, ou Maldives et la nécessité, pour ses actuels habitants, de fonder des utopies maritimes dans des États voisins et, pouvons-nous faire l’économie de cette tragique actualité : les itinéraires désespérés qu’engagent sur la Méditerranée des hommes acculés. Toute anthropologie sera-t-elle donc amenée à devenir « maritime » ? Force est de constater que cette mer, qui constitue aujourd’hui un élément de réflexion latent et apparemment incontournable, a tardé à investir le champ anthropologique. C’est bien en effet par sa marginalité dans le paysage intellectuel que s’est caractérisée l’« anthropologie maritime », définie comme telle au tournant des années 1970-1980 en Amérique du Nord et en Europe. L’étrangeté et l’ambivalence associées à la mer dans la pensée occidentale expliquent sans doute en partie cette curiosité tardive et, plus encore peut-être, la méthodologie mise en œuvre par ce « sous-champ disciplinaire » pour l’appréhender. Pour rendre compte de la relation de l’homme à un espace « irrémédiablement sauvage » (Corbin 2010 :75), deux approches ont en effet été privilégiées : une lecture matérialiste, absorbant dans un registre technique la teneur d’une interaction principalement fondée sur la "conquête" (Michelet 1935) et la "lutte" (Hugo 2002); et, une lecture continentale, impliquant le rapprochement sémantique et épistémologique avec un milieu terrestre plus familier. Les textes programmatiques qui définissent l’anthropologie maritime ne manquent pas de faire apparaître la permanence de ces entrées, en y incluant toutefois de discrètes variations. Dans le cas de la lecture continentale par exemple, c’est avec des interprétations divergentes que le référent terrestre est mobilisé, suivant que les auteurs privilégient une continuité terre-mer, ou qu’ils instaurent, a contrario, une césure entre un milieu et l’autre. Pour les tenants d’une continuité, la mer, inscrite dans le prolongement d’un espace continental, en poursuit les structures sociales et économiques. C’est en projetant sur elle et les marins les logiques du monde paysan (Breton 1981 : 8), en rapprochant les activités de pêche de celles de la chasse (Barnes 1996), en accusant un monisme épistémologique pour faire des perceptions associées à la mer des répliques de schèmes continentaux, qu’ils entendent penser cet espace. Pour les autres, l’appréhension de la mer implique, au contraire, de mettre en évidence sa radicale étrangeté. Ce milieu, jugé « hostile, « incertain » et « dangereux » (Poggie 1980), façonne des sociétés dont les structures sociales, techniques, économiques ou psychiques, appellent un traitement particulier et commun.