« Ce sale œil de chair le fermer tout de bon » (Beckett, Mal vu mal dit ) : l'entrevision chez quelques écrivains de Minuit

Textes réunis par Philippe Ortel International audience A partir des années cinquante, accompagnant des peintres issus de l'abstraction, notamment Rauschenberg qui développe la méthode d'« interlooking », des écrivains français interrogent la nature optique de l'écriture narrative et...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Raynal-Zougari, Mireille
Other Authors: Lettres, Langage et Arts – Création, Recherche, Émergence en Arts, Textes, Images, Spectacles (LLA-CREATIS), Université Toulouse - Jean Jaurès (UT2J)
Format: Book Part
Language:French
Published: HAL CCSD 2008
Subjects:
Online Access:https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00517527
Description
Summary:Textes réunis par Philippe Ortel International audience A partir des années cinquante, accompagnant des peintres issus de l'abstraction, notamment Rauschenberg qui développe la méthode d'« interlooking », des écrivains français interrogent la nature optique de l'écriture narrative et semblent vouloir retrouver l'origine de l'image, penser la légitimité de celle-ci dans le récit et son rapport avec la diction. On n'écrit et l'on ne dit peut-être qu'à la condition de ne pas voir. Ces écrivains, notamment des écrivains de m(M)inuit, comme Beckett, Duras ou Simon, revendiquent une écriture qui part à l'aveuglette, qui progresse à tâtons, parce qu'elle met en place un dispositif qui court-circuite en permanence la vision et la continuité de l'image, en les recouvrant par le discours, en affichant la matière même de l'écriture, le support verbal, la rhétorique. L'entrevision est solidaire d'un entredire et le récit tient du fait de cette fente qui se perpétue et ne s'apaise pas. Le regard fendu (œil ouvert fermé), l'image ratée et le texte foiré (comme la foirade de Beckett qui sert de base à notre communication, « La falaise », dans Pour finir encore et autres foirades) forment une seul et même dispositif. Ce dispositif ne trahit ni la nudité de la réalité - son mystère -, ni la nudité de l'écriture, toutes deux ouvertes à tous les possibles. « Mal vu mal dit », le monde du même coup fait de l'écriture un objet de désir pour le romancier et pour le lecteur, tous deux avançant « à l'aveuglette dans les ténèbres de jour ou de nuit d'un lieu inconnu à la recherche de la sortie » ( Beckett, Soubresauts, p. 11).