Summary: | Alors que les impacts négatifs et dévastateurs de la colonisation et des politiques d'assimilation sur l'état de santé et les conditions sociales des Premières Nations du Canada sont de plus en plus reconnus et dénoncés (Kirmayer et al., 2003), la résilience que ces populations manifestent face aux multiples sources d'adversité qui les affectent est peu étudiée. En effet, jusqu'à récemment, les recherches à caractère psychologique et social ont généralement occulté leurs forces et leurs capacités en se centrant davantage sur leurs pathologies et leurs déficits (Denham, 2008; Laboucane-Benson, 2005, 2009). Pourtant, en dépit de l'adversité et des traumatismes historiques et contemporains, plusieurs membres des Premières Nations racontent des récits de vie personnelle et familiale porteurs d'espoir dont ils sont fiers : des histoires de résilience. Malgré la forte reconnaissance accordée à la famille pour transformer les réalités sociales autochtones et dans les mouvements de guérison (CRPA, 1996), très peu d'études en Amérique du Nord et encore moins au Canada se concentrent sur la résilience des familles autochtones (McCubbin et McCubbin, 2005; Laboucane-Benson, 2005, 2009; Walker et Shepherd, 2008). En se basant sur une logique exploratoire et sur la perspective de la résilience comme un processus (Luthar et al., 2000; Masten, 2007), cette thèse vise à comprendre la résilience familiale à l'intérieur de deux communautés anicinapek du Québec. Le premier objectif consiste à décrire les conditions adverses des familles anicinapek, et ce, sur le plan de la trajectoire de vie des parents, au sein de la famille et de la communauté. Le deuxième objectif est de décrire et de comprendre le processus par lequel les familles parviennent à surmonter les conditions adverses, en précisant les composantes de la trajectoire de vie des parents, de la dynamique familiale et dans leurs relations avec la famille étendue, la communauté et les services de la ville la plus près. Des familles biparentales et monoparentales identifiées comme manifestant des signes de résilience par des informateurs clés de chaque communauté ont été sélectionnées (10 de Kitcisakik et 11 de Pikogan). Des entrevues individuelles semi-dirigées ont été réalisées avec les mères et les pères de toutes les familles choisies (pour un total de 37 parents). De plus, des informateurs clés ont été interrogés dans le cadre de focus groups semi-dirigés. Une analyse qualitative de contenu a été effectuée afin de faire ressortir les conditions adverses et les composantes du processus de résilience familiale. Les résultats mettent d'abord en évidence l'accumulation de conditions adverses familiales et communautaires, souvent chroniques et parfois traumatiques. Les résultats indiquent, par ailleurs, que la résilience familiale en milieu anicinape se déploie selon un processus à long terme, impliquant deux phases qui se chevauchent davantage qu'elles se succèdent : sa construction et sa consolidation. D'une part, la résilience familiale se construit depuis divers fondements. Elle s'enracine d'emblée dès l'enfance et l'adolescence des parents, plus précisément dans la débrouillardise qu'ils ont développée face à l'adversité, les souvenirs positifs qu'ils conservent de cette période et leur décision initiale visant à ne pas reproduire les conditions traumatiques qu'ils ont vécues. Elle s'établit également à partir de certains repères communautaires et culturels de même que du processus de guérison des parents. Une fois ce processus amorcé, de nouvelles dynamiques se créent au sein des couples et des familles. D'autre part, la résilience familiale se consolide par le développement de ressources familiales et communautaires permettant aux familles de faire face aux conditions adverses rencontrées tout au long de leur vie. Cette thèse représente une des premières études empiriques qui explore le développement à long terme de la résilience de familles de Premières Nations du Canada. En plus de s'inscrire dans le mouvement d'empowerment et de décolonisation de ces populations, elle offre aussi des pistes de réflexion et des recommandations visant à favoriser la résilience familiale et à enrichir l'intervention auprès des familles anicinapek, de même que celles des autres Premières Nations. ______________________________________________________________________________ MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Autochtone, Première Nation, résilience familiale, familles anicinapek, adversité, étude qualitative, récit de vie.
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