Peut-on vivre avec les loups en France : il faut une gestion ciblée des loups et des meutes à problèmes

Le retour des loups en France est parfois présenté comme le signe de la "bonne santé retrouvée des écosystèmes". Toute hostilité ou mise en débat critique devient ainsi condamnable. Nous avons tous à nous réjouir d'une nature "ayant repris ses droits". Mais de quelle nature...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Meuret, Michel
Format: Article in Journal/Newspaper
Language:French
Published: 2011
Subjects:
Online Access:http://prodinra.inra.fr/ft/E49C64ED-FBD7-45EA-ADE9-D1A054657CB1
http://prodinra.inra.fr/record/43944
Description
Summary:Le retour des loups en France est parfois présenté comme le signe de la "bonne santé retrouvée des écosystèmes". Toute hostilité ou mise en débat critique devient ainsi condamnable. Nous avons tous à nous réjouir d'une nature "ayant repris ses droits". Mais de quelle nature s'agit-il ? Des grands sanctuaires, comme le Parc du Yellowstone aux Etats-Unis, où les loups sont considérés comme espèce "clef de voûte" de l'écosystème, régulant les effectifs excédentaires d'herbivores sauvages ? Assurément, non. Nous sommes en Europe, où les parcs nationaux, régionaux et conservatoires sont aussi pour la plupart des espaces pastoraux. Leurs gestionnaires apprécient le pastoralisme pour sa contribution aux "services écosystémiques". Des centaines d'espèces sauvages et habitats protégés sont concernés, qu'un pâturage habilement conduit permet de mieux conserver en limitant la propagation des broussailles et de la forêt. Depuis 20 ans, éleveurs et bergers ont bien adapté leurs pratiques aux cahiers des charges agrienvironnementaux. Mais aujourd'hui, une espèce, Canis lupus, risque à elle seule d'annihiler tous ces efforts. Très opportunistes en matière alimentaire, les loups ne se comportent pas en "clef de voûte" dans notre pays, préférant nettement les proies faciles : les animaux d'élevage, y compris ceux en pleine santé. Depuis des années, la grande majorité des éleveurs des zones concernées a adopté les techniques de protection préconisées : aide-bergers, gros chiens de protection, enclos de nuit du troupeau à placer aux abords des cabanes de bergers. Le bilan est pour le moins mitigé. D'abord, ces techniques manquent d'efficacité. Les constats officiels dressés en 2009 dans l'arc alpin français ont dénombré 900 attaques et 3250 ovins tués, et 2010 semble être plus dramatique encore. Ensuite, ces techniques posent autant de problèmes qu'elles n'en résolvent. Partager sa cabane exiguë de montagne avec un aide-bergers, employé de l'État, peut s'avérer invivable pour le berger ou la bergère. Quant aux 1500 chiens de protection introduits dans les Alpes, dont le rôle est de tenir tout intrus à distance, leur cohabitation est difficile avec les randonneurs, ou avec les riverains lorsque les troupeaux pâturent dans les vallées. Enfin, l'obligation de ramener chaque soir le troupeau en enclos dégrade les pelouses de montagne du fait des incessants allers et retours. Cela empêche une bonne gestion pastorale et fait perdre plusieurs heures d'alimentation par jour, ce qui pose surtout problème lorsque les femelles sont en fin de gestation. Le retour systématique en enclos de nuit ou en bergerie n'a de sens qu'en élevage laitier, pour la traite du matin et du soir. J'ai assisté à un constat d'attaque dressé dans un élevage de Haute Provence, où 4 brebis avaient été tuées et 7 grièvement blessées. L'attaque s'était déroulée dans une prairie clôturée à moins de 200 mètres du village. Les chiens de protection avaient été débordés. Un collègue m'accompagnait, venu de l'Université de l'Utah (USA) et très au fait de la question de la prédation dans les Rocheuses. D'après lui, nous sommes confrontés en France à des loups qui, en l'absence prolongée de toute action de gestion, ont exacerbé leur comportement opportuniste. Afin d'éviter la généralisation du braconnage, il faut développer au plus vite des techniques d’effarouchement actif, visant à recréer chez les loups une aversion vis-à-vis de l’homme et de son bétail. Il faut aussi organiser un suivi, permettant de capturer et éliminer si nécessaire les "loups à problème" (qualificatif utilisé aux USA et au Canada). Somme toute, les loups ont été mal "accueillis" en France, car on leur a laisser croire que le gîte et le couvert leurs seraient acquis.